Une voix féminine lui susurre doucement à l’oreille. Il a agréablement chaud, et se sent incroyablement bien. Un sourire rêveur s’étire sur ses lèvres. Il est dans le noir, respirant doucement et lentement un parfum discret, mais délicieux. C’est frais, salé, aérien et floral à la fois... Une fragrance évoquant un bleu azuré, aussi reposant et plaisant que le ressac de la mer contre les côtes… Tous les sons alentour ressortent étouffés, lui parvenant au-travers d’une épaisseur de fourrure tiède qui l’enlace délicatement. Il ne pense à rien. C’est une merveilleuse sensation de lâcher prise qui s’éternise à mesure qu’il se concentre sur le vide de son esprit, sur cette liberté de ne rien avoir à faire, de ne rien avoir à dire, de ne rien avoir à analyser…
Réveil
Revenant à lui comme s’il sortait brutalement d’un cauchemar, Léo se redressa en inspirant bruyamment, forçant de l’air à rentrer dans ses poumons malgré sa gorge nouée. Son cœur frappait frénétiquement à sa poitrine, martelant de l’intérieur sa cage thoracique qui se soulevait au gré de ses inspirations voraces d’oxygène. En panique, il mit quelques secondes à comprendre où il était, et ce qu’il faisait là, ce qui permit à son rythme cardiaque de recouvrer une fréquence plus sereine. Tandis que s’estompait la panique irrationnelle qui l’avait étreint à sa sortie de torpeur, les derniers vestiges brumeux des souvenirs de son rêve quittèrent son esprit, remplacés par les souvenirs plus réels et concrets de ses dernières actions.
La demeure côtière de Marina Plessis ; les cambriolages inexplicables ; le brusque changement d’attitude d’Hervé Lecerf pendant le second interrogatoire.
Tout revint en même temps à Léo, replaçant dans sa tête les diverses pièces du puzzle, et la raison de sa présence dans cette luxueuse demeure aux abords de la plage. Il réalisa se trouver dans une chambre. La lumière naturelle sur les murs en briques peintes en blanc lui assura qu’il n’avait été assommé que quelques minutes, puisque le soleil de l’après-midi ne déclinait pas encore à l’horizon, et qu’il se souvenait être arrivé vers 15h. Il retrouva ces odeurs de sable, d’iode et de lavande qui lui étaient montées au nez à son entrée dans la bâtisse : le sol en bois noir, l’élégant canapé en rotin positionné face à l’âtre du salon, l’escalier menant vers l’étage… Léo se souvenait avoir exploré avec prudence la demeure estivale de sa suspecte, jusqu’à ce moment, en haut de l’escalier, à partir duquel plus rien ne lui revenait, sinon la sensation d’un choc mat, bizarrement indolore, puis le noir complet. Ensuite s’accolait ce moment de réveil, dans une chambre à la décoration similaire au reste de la demeure côtière.
Une rapide palpation lui donna l’impression qu’une bosse se formait, là où l’inconnu l’avait cogné après l’avoir pris par surprise. Légèrement nauséeux, l’inspecteur Doisneau considéra l’idée de ressortir en vitesse de cette maison pour essayer de courir après l’homme qui s’était débrouillé pour l’approcher par derrière sans qu’il ne l’entende. Cette seule pensée suffit à lui donner le tournis. Redoutant le pire, un regard par la fenêtre de la chambre lui confirma que la côte, ouverte à perte de vue, offrait mille et une directions au fuyard pour disparaître, et le vent battant la façade océanique balaya tout espoir de tenter de trouver des traces de pas sur le sable. Impossible d’envisager de retrouver celui (ou celle) qui l’avait attaqué un peu plus tôt.
Un détail étrange s’imposa au limier de la police, alors qu’il attendait que sa nausée le quitte pour pouvoir se relever du matelas : on l’avait assommé, puis porté inconscient pour qu’il se retrouve dans un lit, sûrement celui d’une chambre d’ami. Pourquoi aurait-on pris une telle disposition, si l’objectif premier de son agresseur avait été de neutraliser l’inspecteur, avant de détaler ? Pourquoi perdre un temps précieux à veiller au confort de son poursuivant ?
En grimaçant, Léo Doisneau décida qu’il était trop tôt pour se remuer les méninges. Il se sentait très peu motivé à pousser ses réflexions – une autre conséquence du coup reçu sur l’arrière du crâne. Il allait devoir passer un examen radio rapidement, pour vérifier l’absence de complications. Peut-être que le mieux serait de téléphoner aux urgences, afin qu’on vienne le chercher directement ? Autant appeler le commissariat, cela reviendrait au même, tout en permettant à l’inspecteur de faire son rapport.
Le portable en main, Léo soupira, se rappelant tardivement que le commissaire lui avait formellement interdit d’enquêter sur Marina Plessis, surtout sur la base de ses seules intuitions. Il grogna, prévoyant d’appeler les urgences, et s’aperçut que son téléphone n’avait plus de batterie.
« Décidément ! » Ronchonna le policier trentenaire, en remettant dans sa poche un appareil allumé qui indiquait pourtant être à 86% de batterie.
Des pas légers, mais bruyants et claquant, montèrent depuis le rez-de-chaussée vers sa direction. L’instinct premier du détective fut de chercher à sortir, ou à se mettre aux aguets devant la rencontre qui s’annonçait. Immédiatement, sa blessure le sanctionna en lui donnant un léger tournis qui le dissuada d’envisager si vite un retour à l’offensive. Aucune cachette à l’horizon dans la chambre où on l’avait installé (évidemment !), et sortir par la fenêtre dans son état serait revenu à signer pour une chute mortelle. Pour l’heure, Léo allait devoir rester un peu tranquille, au moins le temps de récupérer. Il se consola en se souvenant qu’on l’avait monté dans cette chambre ; quoi qu’on puisse lui vouloir, il ne s’agissait pas de le malmener… Pour l’instant.
Contraint de se montrer inhabituellement passif pour un inspecteur de police, il serra les mâchoires, surveillant la porte par laquelle une personne allait entrer dans la chambre. Son cœur se mit à battre un peu plus vite avec l’anticipation. Dans un grincement furtif, la porte bleu sombre pivota sur ses gonds, révélant… Marina Plessis, aisément identifiable puisque son visage se retrouvait sur de nombreuses affiches d’une publicité pour du parfum.
Moyennement grande, sa silhouette de mannequin se trouvait pour l’heure drapée d’un épais manteau en fourrure bleu azur, une couleur choisie pour rappeler le regard aquatique de l’égérie. En décalage avec le ton froid de son manteau, ses cheveux, longs, blonds et bouclés, cascadaient en encadrant son visage hâlée par le soleil, pour finir par se mêler aux fibres de la fourrure duveteuse (et probablement synthétique) sur ses épaules. Légèrement maquillée, la maîtresse des lieux était tout aussi courtement vêtue, l’entrebâillement de son manteau révélant uniquement des dessous en dentelle d’un bleu plus sombre, quasiment cobalt. Une teinte similaire à la porte de la chambre, nota Léo, en suspectant que les tons froids aient la préférence de la dame. Intellectualiser les choix vestimentaires de la mannequin aidait le détective à occulter le caractère hautement attrayant de l’apparence sous laquelle Marina Plessis se présentait à lui. Or, il ne pouvait pas vraiment se permettre de s’alanguir, même devant une très séduisante femme.
Plutôt que de détourner pudiquement le regard, il affronta le beau visage de la demoiselle, qui l’observait avec une ombre de sourire sur ses lèvres, les yeux tendrement posés sur cet homme occupant un lit sous son toit.
- Comment va votre tête, inspecteur Doisneau ? S’enquit la blonde d’une voix suave, en restant sur le pas de la porte, les bras presque entièrement dissimulés dans l’épaisseur de son manteau certainement beaucoup trop chaud pour la saison.
- Vous semblez étrangement calme, pour une femme qui a découvert un inspecteur de police inanimé dans sa résidence secondaire… Lâcha froidement Léo, encore incapable de dire à quel point ses intuitions se révélaient justes, tout en surveillant les réactions de son interlocutrice à ses remarques.
Cette dernière eut une moue qu’il s’obligea à ne pas trouver adorablement sexy, avant de hausser de charmante manière les épaules.
- Je sais de source sûre que vous ne me ferez aucun mal, inspecteur… Et vous m’avez déjà confié tout ce que vous saviez de mes petites affaires. Au point où nous en sommes, je suis, effectivement, suffisamment tranquille et maîtresse de la situation pour me permettre une sérénité assumée fasse à votre présence. Asséna avec une forme sensuelle de fausse modestie la dulcinée d’un magnat de la presse, son ton onctueux contredisant les implications inquiétantes de ses déclarations.
Le représentant des forces de l’ordre refoula la panique irrationnelle qui menaçait de s’emparer de lui, décortiquant avec méthode les prétentions de sa suspecte pour en extraire les manipulations et mensonges destinés à le perdre.
- Bien essayé, mais je suis resté inconscient quelques minutes seulement, et je ne me souviens pas vous avoir ne serait-ce que croisé aujourd’hui. Votre assurance est aussi factice que vos prétendues connaissances des détails de mon enquête sur vous. Cette tentative de déstabilisation est pathétique, mais bienvenue ; elle me confirme que j’avais raison, au sujet de la série de cambriolages qui ont eu lieu depuis le début de l’année ! Triompha le solide trentenaire, confiant en sa capacité à pouvoir repousser l’éventuel assaut de la femme qui lui faisait fasse. Subtilement, il avait lorgné sur les bras de cette dernière, assez longtemps pour s’assurer qu’elle ne tenait aucune arme entre ses doigts. Et plus la conversation durait, plus il se remettait du coup qu’on lui avait porté. Bientôt, il serait assez remis pour bondir, neutraliser cette menteuse trop sûre d’elle, et descendre appeler des renforts.
Inconsciente de la fin prématuré de ses malveillance, Marina étira le sourire matois de ses lèvres roses. Avec toute la retenue d’une joueuse d’échec experte avançant finalement ses pièces pour conclure le mat, elle inclina sa tête sur le côté, imitant l’expression attendrie d’une mère contemplant un enfant attendrissant de naïveté.
- Vous avez commencé à suspecter quelque-chose après le cambriolage du 12 Mars, lorsque les empreintes partielles du fautif permirent à la police d’arrêter un homme sans antécédent de vols ni mobiles, et affirmant ne pas se souvenir d’avoir commis le moindre larcin. Fit savoir la porteuse de fourrure avec une légèreté désarmante. Tous vos autres collègues pensaient que les coupables se retranchaient derrière l’excuse de l’amnésie pour éviter la peine maximale, mais vous avez su y voir un indice d’importance. Vous avez commencé à chercher un point commun reliant tous les fautifs, et alors que le cinquième cambriolage venait d’avoir lieu, vous avez compris qu’ils m’avaient tous fréquenté, de près ou de loin, et que tous avaient séjourné dans cette maison côtière. Jusqu’ici, les déclarations de Marina Plessis s’avéraient rigoureusement exactes, mais Léo ne tomba pas dans le piège. Elle s’était manifestement renseignée ailleurs, et tentait de lui faire croire qu’il avait lui-même transmis ces informations à la jeune femme, sans doute pour le déstabiliser mentalement en vue de lui intimer le silence. L’inspecteur expérimenté résolut de ne pas céder.
- Enfin, il y a eu ce cher Hervé… Une de mes premières victimes. À l’époque, j’avais la main lourde, je le reconnais. Je tenais un peu trop à ne pas pouvoir être dénoncée par mes petites marionnettes, alors je lui avais suggéré de ne mentionner les détails de notre rencontre dans cette demeure côtière sous aucun prétexte. Fatalement, lorsque vous l’avez reconvoqué au commissariat pour un second interrogatoire et que vos questions concernant notre entrevue ont commencé à se faire précises, il est soudain devenu bizarrement muet, et d’une attitude peu naturelle… Heureusement que votre commissaire n’a pas été convaincu, et qu’il s’est surtout inquiété de la mauvaise presse que lui vaudrait la poursuite de votre enquête. Rares sont celles et ceux qui osent s’en prendre publiquement à la femme aimante d’un propriétaire de chaînes de média… S’amusa celle qui, désormais, ne dissimulait plus sa jubilation à tenir aussi fermement toutes les cartes en main. Mais rassurez-vous, inspecteur ; je ne commettrai pas la même erreur quand je vous enverrai cambrioler une banque pour moi. Assura la perfide blonde, en se payant le luxe de rester incroyablement désirable dans sa posture et son attitude, malgré des paroles particulièrement vénéneuses et incriminantes.
De moins en moins à l’aise au fur et à mesure des révélations de celle qui révéla être la responsable des cambriolages sur lesquels il enquêtait, Léo mobilisa l’ensemble de ses ressources mentales pour conserver une expression neutre et impassible. La respiration faussement lente, le limier coincé dans un tête-à-tête avec une femme capable de faire faire à des gens ce qu’elle voulait s’efforça de rassembler des éléments rassurants. Contrairement aux précédentes victimes de Plessis, il savait à qui s’attendre, et ne se ferait pas aisément hypnotiser. De plus, cette femme semblait exceptionnellement confiante, au point de ne porter aucune arme sur elle et d’être venue seule le trouver ; s’il se débrouillait pour lui faire croire qu’elle avait réussit à l’hypnotiser, il n’aurait qu’à jouer temporairement la comédie avant de l’arrêter pour la traîner en cellule.
- À quoi songez-vous, inspecteur ? À un moyen de vous en sortir ? Sourit l’onctueuse séductrice d’un air un peu trop suave pour ne pas provoquer un frisson sur l’échine de son interlocuteur. Elle avait le regard pétillant, et un mouvement subtil des hanches qui trahissait une impatience mal contenue. Léo comprit qu’il ne pourrait pas prétendre être une victime facile, mais tenta malgré tout de s’en tenir à la stratégie initiale.
- Je ne suis pas Lecerf, ou n’importe lequel des autres hommes mous du bulbe que vous avez réussi à entortiller autour de votre petit doigt ! Essayez donc de m’hypnotiser, et vous réaliserez trop tard avoir commis une grosse erreur en vous en prenant directement à moi ! Répliqua bravement le policier, qui comptait afficher une opposition brusque, mais fragile, pour ensuite feindre de sombrer sous l’emprise de sa charmante suspecte désormais coupable.
L’intéressée pouffa d’une élégante manière, en dévoilant un sourire éclatant tandis qu’elle posait une main chaste juste au-dessus de ses seins gainés de bleu dentelé.
- Ne soyez donc pas si dur avec vous-même, inspecteur ; je suis irrésistible. Vous n’aviez aucune chance dès le départ. Affirma sur un ton moqueur dangereusement crédible la manipulatrice à la voix de velours, avant d’ajouter, pour confirmer les horribles soupçons qui donnaient le tournis à son auditeur : Avez-vous apprécié la petite histoire que j’ai glissé dans vos souvenirs ? Le mystérieux assaillant réussissant à vous attaquer de dos sans le moindre bruit, et qui vous assomme d’un coup bien placé à l’arrière du crâne ? Un peu cliché, mais votre imaginaire, sans doute nourrit aux mauvais romans policiers, l’a acceptée avec une aisance surprenante. Ronronna Marina en installant une main sur sa hanche, pendant que ses yeux observaient son agent programmé intégrer une réalité dont elle avait déjà connaissance.
- Vous apprécierez la délicatesse que j’ai eu de vous laisser croire si longtemps que vous étiez encore à peu près en contrôle de la situation… Votre égo aurait sûrement mal vécu de constater une totale incapacité à prévenir vos collègues. J’ai préféré suggérer à votre esprit une justification cohérente au fait de n’appeler personne, et de rester bien tranquillement dans cette pièce. Poursuivit la beauté en bleu, tandis que Léo resserrait de plus en plus fermement les mâchoires, refusant de croire qu’il avait déjà été hypnotisé, et obéissait depuis son éveil à un scénario programmé dans son esprit par cette infecte blonde. Il n’imaginait pas une seconde avoir pu se faire hypnotiser, ne croyait pas qu’on ait pu occulter de sa propre mémoire toute une entrevue où il aurait été conditionné, et le laissa clairement apparaître sur son visage devenu austère… Pour le plus grand plaisir de la femme qui dégonflait ses certitudes depuis son entrée dans la chambre.
- Je vous rassure, inspecteur, vous allez bientôt retrouver la mémoire… Lorsque je vous exposerai au déclencheur hypnotique que j’ai établi pour vous, votre subconscient vous renverra immédiatement et tranquillement à la transe profonde dans laquelle je vous ai adroitement plongée quelques heures plus tôt. Décrivit Marina Plessis en confrontant implicitement son interlocuteur à ses certitudes : s’il pensait sincèrement que la jeune femme bluffait depuis le départ, il n’avait qu’à la laisser prononcer son fameux déclencheur, et alors, son absence de réaction ferait éclater la vérité. En revanche, si elle ne mentait pas, attendre passivement qu’on le renvoie en transe risquait de s’avérer être une erreur fatale, pour le policier de plus en plus désorienté.
Léo, trop près du mur pour reculer, n’hésita pas longtemps, allant même jusqu’à se relever pour toiser la femme dans l’encadrement de la porte.
- Hé bien, qu’attendez-vous ? Dites-moi donc « Dormez, je le veux ! » ou toute autre phrase mélodramatique supposée me renvoyer dans… Comment avez-vous dit ? « La transe dans laquelle vous m’avez plongée plus tôt » ? Défia-t-il, le cœur battant un peu plus fort désormais qu’il risquait de se retrouver en fâcheuse posture.
Après avoir pris le temps de glousser d’un air mutin, Marina battit des cils à l’attention de l’homme qui se fatiguait tant à se donner l’air bravache.
- Mais certainement… Souffla-t-elle, suave, avec une moue enjôleuse. Sa main caressa lentement la fourrure qu’elle portait.
- Depuis le début de notre conversation, il y a une partie de mon corps vers laquelle vous ne portez absolument pas votre regard, inspecteur… L’avez-vous remarqué ? Interrogea la tentatrice blonde, provocatrice jusqu’au bout. Je ne voulais pas que vous me mâchiez le travail en regardant sans le savoir le déclencheur qui, dans ma tenue, est supposé vous hypnotiser à nouveau… D’où la petite sécurité mise en place par mes soins. Révéla théâtralement la manipulatrice, sans s’attirer autre chose qu’un regard dubitatif de l’enquêteur. Levons cette sécurité, voulez-vous ? Demanda nonchalamment la jeune femme, qui, d’un index délicat, désigna le sol.
- Que pensez-vous de mes chaussures, inspecteur Doisneau ? Asséna l’experte en hypnose, provoquant de la part de son sujet hypnotique un glissement de son regard vers ce qu’elle portait aux pieds. Et effectivement, Léo réalisa qu’il avait étrangement veillé à conserver le bas du corps de cette femme hors de son champs de vision… Mais quoi de si étrange à cela ?
À l’extrémité des longues jambes satinées de la demoiselle trônait une paire de bottines à talons d’un argenté qui, sous la lumière et le jeu des reflets, paraissait bleu ciel. Alors qu’il n’avait jamais été particulièrement amateur de chaussures féminines, l’inspecteur de police sentit le modèle porté par son hôtesse le subjuguer instantanément. Incapable d’en décoller les yeux, il ne pouvait que s’attarder sur chaque détail, sur les reflets de la matière dont étaient faites les bottines, leur nuance, la courbe de leur extrémité, le tout en sentant monter une tiédeur douce dans son corps.
- Plus vous les admirez, plus elles vous délassent ; laissez mes bottines réfléchir à votre place. Déclara lentement et doucement la voix si sensuelle et caressante de Marina, qui eut pour effet de faire se rasseoir lourdement Léo dans le lit, sans que ses yeux grand ouverts ne lâchent les bottines un seul instant. Totalement détendu et relâché, il sentit ses pensées s’envoler, son corps s’engourdir… Une voix mielleuses commença à lui susurrer des instructions dans le creux de l’oreille sans qu’il ne puisse les discerner, mais en sachant parfaitement qu’il les exécuterait à son éveil. L’impossible paralysie l’enferma dans son corps, le condamnant à ne voir qu’une seule chose, et cette seule chose était si fascinant et hypnotique à admirer qu’il ne s’en lassa pas. Les bottines s’imprimèrent sur sa rétine à mesure que son esprit conscient perdait le fil, puis, au bout d’un moment impossible à évaluer, Léo sentit ses paupières se fermer, et le sommeil le saisir pour l’emmener en torpeur.